Plumes et Grimoires
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 Sur le chemin d’Hanoï

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3 participants
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Angie
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Angie


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MessageSujet: Sur le chemin d’Hanoï    Sur le chemin d’Hanoï  Icon_minitimeMar 9 Aoû - 13:09

Un extrait du roman en cours, que je n'arrête pas de corriger - jamais contente !
MERCI de me donner vos premières impressions !

" SUR LE CHEMIN D’HANOI

Chapitre 14


Ce soir, après mon travail, j’ai poussé la porte de ce café où je l’avais vue entrer, mon inconnue devant l’agence de voyage. Murs blancs, parquet de teck, fauteuils de cuir rouge ; le lieu est bien à son image. Le barman qui officie devant une vitrine où des verres étincellent, vient me présenter la carte des vins. Je souris, plus à moi-même qu’aux autres clients, en commandant un Chablis. Je savoure le nectar servi devant moi dans un verre à dégustation, accompagné d’une petite assiette de délicats feuilletés.
La voici qui pousse la lourde porte. Le serveur l’accueille en habituée. Ses yeux se posent sur moi, je lui souris. Le temps s’est comme arrêté. Je veux juste la regarder. Lorsqu’elle repasse devant ma table pour sortir, un moment plus tard, je lui adresse le bonsoir. Elle me le rend avec douceur et sensualité. Je ne peux esquisser le moindre geste. Je ne veux pas briser la magie de ce moment. Vendredi prochain, je reviendrai.

« Mardi 14 Janvier 1997
Pendant que mon père et Pierre essayaient de survivre, vaille que vaille, dans l’enfer d’Hoa Bin, nous avions vécu, en ce mois d’Août 1945, des évènements incroyables
Le quinze, dans l’après-midi, Kien était arrivé, passablement excité, à la maison du quartier des Corporations. Le Japon aurait accepté avec les États-Unis l’arrêt des combats. Il y avait une grande effervescence dans les rues de la capitale du Tonkin. Tout excité, j’allumais de l’encens près du Sage dans l’attente prochaine de la libération de mon père et de mon ami. Bien vite, j’éprouvais quelques doutes. Les indépendantistes se promenaient maintenant en exhibant leurs armes. Les troupes japonaises les avaient distribuées aux partisans de la Ligue du Viet Minh.
Le départ des forces nippones n’avait pas changé la situation des colons européens. Il est vrai qu’à travers ma bulle de métis, j’avais une vue déformée de la situation. Cao Son et Manh avaient révélé à Kien les exactions que certains colons pratiquaient à l’encontre de ce peuple qui ne devait aspirer qu’à la reconnaissance des droits les plus élémentaires, ceux-là même qui étaient énoncés depuis la Révolution de 1789. Mais il semble que l’Europe, dans sa suffisante supériorité, n’ait considéré ces droits seulement applicables aux peuples européens. Je sus que les revendications avaient déjà existé après la première guerre mondiale, que de nombreux intellectuels de toutes les contrées colonisées par des pays du vieux Continent, réclamaient depuis bien longtemps le droit au respect et une certaine autonomie politique, ou du moins l’intégration des élites indigènes à des postes honorables et non subalternes. Il n’était plus simplement question de «congaïs », quoique cette notion reflète assez bien la partie émergée de l’iceberg sur l’incompréhension et l’entêtement des gouvernements européens.
Durant ces longues semaines, j’étais tenaillé entre mes deux origines. Celle de mon père qui avait pour mission de défendre cette terre française et celle de ma mère. Ce royaume millénaire demandait plus de reconnaissance et d’autonomie. Les indigènes avaient droit à plus de libertés. Je crois que dans mon for intérieur, j’acceptais l’échéance de l’indépendance, mais pas dans le sang, pas avec le sang et la vie de ceux que j’avais aimés.
Pendant quelques jours, je fus dans une situation très inconfortable. Poussé par ma jeunesse, mon optimisme, ma foi en la sagesse des hommes, j’espérai que des envoyés du gouvernement français sauraient trouver des solutions telles que le bain de sang puisse enfin s’arrêter.
Pourtant, le lendemain, une foule innombrable sortie des sampans, des baraques de bois, des maisons des Corporations, défila joyeuse, le poing levé, en scandant : « Vive le Vietnam libre ! », « Doc lap ! ».
Lâm se trouvait à la tête d’un groupe de jeunes gens, le visage grave et volontaire. Je ne lui en voulu pas, je comprenais son engagement. Mais comment pourrais-je rejoindre leur rang, alors que les Viet Minh ont été complices des massacres horribles dont les seuls souvenirs me donnent encore la nausée ? Alors que mon père est de l’autre côté, il représente l’ordre ancien, un ordre bousculé et remis en question.
Ho Chi Minh, le chemin de lumière, devint le Chef de Gouvernement. On le dit malade, affaibli lui aussi par des privations ou par des crises de paludisme. Légende ou vérité ?
Quelques jours plus tard, le 22 ou le 23 Août, je ne me souviens plus très bien, Kien, qui était fort bien informé de la situation politique à Hanoi, m’apprit sous le sceau du secret que deux hautes personnalités cherchaient des arrangements avec le dirigeant Viet Minh. Ainsi, l’un était Américain, faisait partie des Services Secrets et répondait au prénom d’Archimède. Mon cousin m’a rapporté cette anecdote. L’officier américain voyant l’état de santé du dirigeant Viet Minh lui aurait donné quelques cachets, lui permettant ainsi une guérison rapide.
Le Français, Sainteny, était profondément attaché à cette terre d’Asie du Sud. Pourtant, c’est en tant qu’employé de la Banque d’Indochine, et seulement pour deux années, que ce métropolitain « pur souche » avait vécu à Hanoi. Il comprenait parfaitement les revendications d’indépendance ou du moins d’autonomie. Il était envoyé par le gouvernement provisoire du Général de Gaulle, pour négocier une décolonisation pacifique. Se savait-il l’instrument d’une manipulation ? Comment la métropole pourrait-elle accepter le désengagement de ses biens, de ses intérêts et de ses hommes en Indochine ? Il aurait vraiment fallu un homme extraordinaire de chaque côté, pour que cette solution, la plus sage pourtant, puisse avoir lieu. Mais les États, dans leur arrogance, sont-ils sages ?
Dans le combat des Nations qui allaient se partager le monde, la France devrait faire preuve de soumission, De Gaulle le refusait autant qu’il le pouvait, mais comment négocier l’indépendance des colonies alors que les États-Unis, l’Union Soviétique et la Chine cherchaient à s’emparer politiquement de ces nouveau-nés. Sainteny devait bien être conscient de cette partie de dupes aux côtés de cet homologue américain, mais peut-être, la France pensait-elle en ces instants être encore maîtresse de la situation, ou du moins posséder quelques atouts indéniables. Seuls ceux qui étaient présents à la table des négociations, en cette fin d’Août 1945, auraient pu nous éclairer sur ce sujet. Je n’étais alors qu’un spectateur plus qu’un acteur des évènements d’Hanoi. Ce qui n’était pas le cas de mes amis Cao Son et Manh, ni surtout pour Lâm qui semblait occuper malgré son jeune âge quelque poste important.
Kien avait aussi intégré le mouvement. De toutes façons, il semblait que l’Indépendance serait acquise tôt ou tard, avec ou sans l’appui des États-Unis, le mouvement de l’Oncle Ho ayant un atout sérieux en manche.
Mon cousin avait cependant des informations telles que je ne pouvais douter qu’il devait être au plus près de ce nouveau pouvoir. Il m’apprit ainsi que la Ligue s’était mise en relation de nombreuses fois avec le gouvernement de Roosevelt. Il lui semblait que des hommes de cette nouvelle puissance étaient bel et bien présents sur notre sol, les services de l’OSS en particulier.
Ho Chi Minh mettait en avant un mouvement populaire, osant affirmer que son pays pourrait entretenir des relations économiques privilégiées avec Washington en lui proposant d’établir une base militaire. De nombreuses personnes bien placées savaient que la France n’avait pas été invitée à la table des négociations de Postdam, cette conférence où les deux grands vainqueurs s’étaient partagé la planète. Ainsi le territoire indochinois serait partagé entre deux vassaux. La Chine, à cette époque sous la sphère d’influence de l’Union Soviétique, aurait le contrôle du Nord. La Grande Bretagne se voyait attribuer le Sud. La limite étant le seizième parallèle, c’est à dire celui qui passe près de Da Nang.
Les GI’s pourront dire merci aux tractations effectuées à partir d’août 1945 pour continuer à armer les partisans de la Ligue contre l’occupant français. Aux mains des Viet, les armes américaines se retourneront contre leur fournisseur. Les États-Unis se rendront compte à leur tour que ce peuple ne se laisse pas duper, qu’il est loin de vouloir tomber d’une colonisation à une autre.
C’est pourtant pendant ces mois que l’avenir du Vietnam va se jouer. Mon fils, comprends-tu maintenant que ces hommes, ces prisonniers des Camps, n’étaient que des pions sur un échiquier, que nul ne se préoccupait de leurs souffrances, que seul comptait l’emprise géographique du pouvoir.

Ces réflexions vont éclairer sous un jour nouveau la suite de nos tourments dans ce pays que nous croyions pouvoir garder, comme plus tard d’autres pays. Dans les derniers jours d’août, nous avions compris que les Japonais étaient en train de plier bagage. Je demandais à Kien si nous pouvions tenter encore de savoir ce qui se passait dans les Camps d’Hoa Bin. Il était embarrassé ; approcher de trop près le camp de base présentait toujours un danger.
Un jour, avec mon cousin, nous avions finalement pris la route. La jungle et les blocs calcaires formaient un labyrinthe gigantesque. Il nous fallut suivre, des heures durant, les berges de la Rivière Noire et ses bourbiers putrides, longer précautionneusement un des côtés du Camp de Base en rampant, puis attendre un long moment qu’un prisonnier européen s’approche. Ce fut un fantôme qui s’avança près des buissons épais qui nous dissimulaient. Il flottait dans des vêtements sales, déchirés. Un visage livide et émacié, aux joues creuses, où des yeux immenses semblaient être les derniers refuges de vie. Ses mains décharnées, comme celles de la Mort elle-même, se tendaient vers nous. Ses yeux imploraient. Hormis le bruit des bêtes, le silence était maître des lieux. Dans un souffle, nous lui avions demandé s’il connaissait Henri Vassor, officier à la Citadelle d’Hanoi et Pierre Troadec, un civil, fils de boulanger. Il nous dévisagea, hocha la tête et disparut, hagard, dans la masse des prisonniers qui travaillait d’arrache-pied, à finir de paver une route.
Pouvions-nous lui faire confiance ? Serait-il encore vivant demain ? Nous n’avions rien à perdre. Nous sommes revenus, presqu’au même endroit. Nous avons attendu jusqu’à la tombée du jour. Dépités, nous allions partir quand il est revenu. Chuchotant, il nous apprit que Pierre avait été envoyé dans un camp dans les collines, Vassor au Camp des Aigles. Les pires rumeurs circulaient à son sujet. Nous lui laissâmes une poignée de longanes et repartîmes en rampant tels des serpents. Puants et crottés, nous revînmes auprès de tante Minh et de Ly Lan qui nous attendaient dans une barque.
Près de quatre mille prisonniers, civils et militaires, avaient été envoyés au camp de base de Hoa Bin. Ils y mourraient chaque jour par dizaine ; nous ne pouvions imaginer cet enfer.
Combien de jours allait-il durer avant que n’arrive le moment où le gouvernement japonais allait enfin céder face aux puissants États-Unis. Nous espérions qu’alors, nous pourrions enfin avoir le droit de chercher les deux prisonniers. »
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MessageSujet: Re: Sur le chemin d’Hanoï    Sur le chemin d’Hanoï  Icon_minitimeMar 6 Sep - 21:39

Mais ça a l'air très intéressant tout ça ! tu en es où de tes corrections Angie ?
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Angie
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MessageSujet: Re: Sur le chemin d’Hanoï    Sur le chemin d’Hanoï  Icon_minitimeMer 7 Sep - 16:33

J'ai repris l'opus dans son entier - je vais l'imprimer d'ici la semaine prochaine et le renvoyer chez l'éditeur d'Orange - la ville pas l'opérateur de téléphonie !!!
Il faudra alors que j'attende leur verdict ... Twisted Evil

En attendant, je me remets sur un autre ouvrage Wink
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MessageSujet: Re: Sur le chemin d’Hanoï    Sur le chemin d’Hanoï  Icon_minitimeMer 7 Sep - 18:27

Bravo Angie et bonne chance à toi. Very Happy
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MessageSujet: Re: Sur le chemin d’Hanoï    Sur le chemin d’Hanoï  Icon_minitimeJeu 29 Sep - 10:10

Tiens-nous au courant !! sunny
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MessageSujet: Re: Sur le chemin d’Hanoï    Sur le chemin d’Hanoï  Icon_minitime

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